Le télétravail : vers davantage de productivité et de qualité de vie

26 mai 2016

L’étude de Greenworking, toujours d’actualité, publiée en mai 2012, faite à l’initiative du Ministère chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique propose de retenir trois enseignements majeurs de l’observation du télétravail. Les auteurs relèvent la remise en cause du modèle de bureau traditionnel, une concentration et une productivité très élevés, l’émergence d’un nouveau modèle managérial.

Jacques Uso, associé du cabinet d’avocats Lawsen, nous livre son point de vue et son analyse sur le sujet.

Le télétravail peut revêtir diverses formes : au domicile, pendulaire, en centre de proximité, nomade. Il a été défini par l’accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 qui retient trois conditions : le volontariat du salarié (il peut toutefois être imposé temporairement en cas de circonstances exceptionnelles), la régularité, et l’utilisation des NTIC. Le critère de la régularité permet de faire la différence entre télétravail et souplesse d’organisation. Il a ainsi été jugé qu’une tolérance n’est pas considérée comme du télétravail, dès lors qu’un local professionnel est mis à la disposition des salariés (Cass. soc., 4 déc. 2013, no 12- 19.667).

Les mêmes droits que les autres salariés

Le télétravailleur reste un salarié et doit continuer d’appliquer les procédures et consignes, utiliser les outils mis à sa disposition, rendre compte. Il est soumis au contrôle de l’employeur qui doit être en mesure de vérifier qu’il respecte l’équilibre temps de repos – temps de travail, et que les installations au domicile ne présentent pas de danger particulier. Ceci pose la question d’une visite domiciliaire, non tranchée à ce jour. Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que les autres salariés de l’entreprise qu’il doit pouvoir exercer effectivement malgré son absence physique. En ce sens, une analyse régulière des risques d’inégalité de traitement indirecte est pertinente.

L’une des réticences majeures à la mise en place du télétravail vient de la crainte de voir le lien de subordination s’altérer. Des entreprises pour se rassurer font appel à des systèmes plus ou moins sophistiqués pour mesurer l’activité du salarié à distance. Ceci est toutefois une fausse vision de la réalité. Quand le salarié est dans les locaux, à proximité de sa hiérarchie, est-il pour autant sous surveillance constante ? Alors que le besoin des entreprises n’est plus de disposer d’une force contributive mais de l’engagement des salariés, le télétravail pose l’impératif de la confiance. Masquer son activité réelle est une tromperie que l’employeur peut sanctionner. Dans ce cadre, plus que jamais, la hiérarchie doit pouvoir déterminer ce qu’elle peut exiger de la part de ses salariés et maîtriser la délégation. Ainsi, bien plus que du contrôle le télétravail demande de la maturité managériale.

Le télétravail engage l’entreprise durablement

La mise en place du télétravail peut être très simple. Un avenant au contrat de travail suffit. Toutefois l’enjeu managérial peut parfaitement justifier de privilégier la négociation collective qui participera au renforcement de la marque employeur, de la productivité des salariés et la performance globale de l’entreprise, de la qualité de vie au travail. L’accord pourra porter sur les conditions d’éligibilité, la période de réversibilité, la confidentialité, l’équipement, le contrôle, le temps de travail, le maintien du lien social, la coordination avec le service ou interservices, l’accident du travail, la visite domiciliaire. Le télétravailleur étant plus productif et moins absent, il est opportun d’anticiper une éventuelle revendication liée à cette contribution particulière dont bénéficie l’entreprise.

L’introduction du télétravail engage ainsi l’entreprise durablement. Il a également une dimension sociétale puisqu’il participe à réduire l’engorgement des transports, à rééquilibrer l’urbanisme à réduire la pollution. Il est au final un vecteur de réalisation de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Il s’inscrit dans la transformation profonde des relations de travail engagée depuis de nombreuses années par la décentralisation progressive de la production des normes sociales au niveau de l’entreprise, dont la loi « Travail » est une nouvelle étape, renforçant le besoin d’engagement lucide et de confiance.

Jacques Uso
Revue PERSONNEL, hors série santé/qualité de vie au travail